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Sept questions (très faciles) sur les robots
(Cet article est tiré du dossier « Ces robots qui nous veulent du bien », à découvrir dans le n° 8 de la revue Carnets de science en vente en librairies.)
1 - Qu'est-ce qu'un robot ?
Un robot, c’est un dispositif mécatronique (alliant mécanique, électronique et programmation informatique), polyarticulé, et capable d’accomplir automatiquement certaines tâches imitant les actions des êtres vivants, telles que la saisie d’objets ou la locomotion. Un robot est donc une machine bien réelle, et la réalité, c’est ce à quoi on se cogne… Il risque ainsi de tomber, voire de se casser, selon le cauchemar habituel des roboticiens, chercheurs au quotidien peuplé d’équations de mouvements où la pesanteur fait rage.
Et l’ordinateur, pourquoi n'est-il pas un robot ? Posé sur notre bureau, il est certes tout ce qu'il y a de plus réel. Mais il ne « manipule » que des informations, n’a ni articulations ni moyen de se déplacer, ce n’est donc qu’une machine. « La notion de mouvement est capitale : un robot, c’est une machine à produire des trajectoires, à faire bouger quelque chose dans l’espace », insiste Jean-Pierre Gazeau, ingénieur de recherche à l’Institut P’ (PPrime) du CNRS. Au fait, le terme vient de Robota, apparu pour la première fois dans une pièce de théâtre de 1920 et qui signifie... « travail forcé » en tchèque !
2 - Les robots sont-ils toujours « intelligents » ?
Non. Les robots peuvent être dotés d’intelligence artificielle (IA)FermerL’Intelligence artificielle correspond à des algorithmes ou programmes plus sophistiqués que les autres qui permettent de résoudre des problèmes pour lesquels les êtres humains utilisent leurs capacités cognitives. C’est pour cela qu’on utilise le terme « intelligence » qui en réalité ne s’applique qu’à une aptitude humaine ou animale., mais beaucoup fonctionnent avec des programmesFermerSuccession d'instructions executable par la machine. moins sophistiqués. Quant aux programmes ou algorithmes eux-mêmes, certains sont en effet dits « intelligents ». Mais ils ne sont qu'une suite d'instructions à exectuter, exempts de toutes considérations bassement matérielles, et ne sont donc en rien des robots (lire la question n°1). La plupart font fonctionner des machines (ordinateur, smartphone, etc.) qui ne sont pas non plus des robots. Même chose pour les agents virtuels, petits programmes écumant le Web pour indexer des pages : souvent appellés « robots », ils ne sont en réalité que de vulgaires Bots.
3 - Mon mixeur et Goldorak sont-ils vraiment des robots ?
Non. Certes un mixeur fait tourner une lame dans son bol, peut se programmer et exécuter une tâche de manière automatique. Mais il n’est pas polyarticulé comme le voudrait la définition (lire la question n°1).
« Et surtout il manque d’architecture mécatronique complexe », précise Jean- Pierre Gazeau qui l’exclut de la classe des robots. Qu’en est-il des machines pilotées par un opérateur, comme Goldorak, le « robot de l’espace » du manga japonais ? « Certaines machines ainsi asservies sont qualifiées de robots “maître/esclave”. Le terme “robot” est correct si le but, à terme, est de les pourvoir d’unité de mémoire et de programmation pour qu’elles fonctionnent en mode automatique.
C’est d’ailleurs souvent le cas des robots en cours de développement qu’on fait d’abord fonctionner en mode téléopéré. » Verdict : Goldorak s'avère un authentique imposteur puisqu’il n’est absolument rien sans Actarus aux manettes et qu’aucun autre mode n’a jamais semblé prévu au scénario…
4 - Lesquels sont autonomes ?
Pour qu’une machine automatique soit également autonome, les roboticiens considèrent en général qu’elle doit aussi être capable de se déplacer, de percevoir son environnement, de s’y adapter s’il se modifie, de prendre des décisions et, au final, d’accomplir une mission donnée sans intervention humaine. Les voitures destinées à rouler sans conducteur sont donc effectivement autonomes, tout comme les robots aspirateurs commercialisés depuis près de vingt-cinq ans.
En revanche, les robots industriels basiques, s’ils accomplissent bien leur dur labeur automatiquement, ne tirent pas d’information de l’environnement afin de s’y adapter : « Leurs capteurs proprioceptifs ne servent que pour repérer leurs propres mouvements à chaque instant afin de les ajuster en temps réel en cas de légère déviation », commente Jean-Pierre Gazeau. Cela suffit tout de même à les différencier des simples automates qui ne font que répéter inlassablement une même séquence, même si un gamin cruel leur tord un bras ou une jambe...
5 - « Veulent-ils » prendre le pouvoir ?
Non... Et cette confusion sur d'éventuelles aspirations que nous prêtons souvent aux robots est notamment entretenue par le terme « autonome ». Mais ce n'est pas parce qu'une machine est autonome qu'elle définit ses propres objectifs. Cela veut seulement dire qu’elle peut atteindre sans intervention humaine un objectif donné, celui-ci ayant bel et bien été fixé par le programmeur dans les algorithmes qui la font fonctionner.
Les décisions que prend un robot autonome (tourner à droite car il y a un obstacle, allumer une lampe car il fait sombre...), en fonction des informations qu'il perçoit de son environnement, ne servent qu'à atteindre ce fameux objectif que nous, humains, lui avons fixé. Les robots sont donc dénués de toute volonté et les fantasmes de prise de pouvoir par ces machines ne sont qu'un matériau fertile pour la science-fiction.
6 - Combien sont-ils à « travailler » ?
La Fédération internationale de robotique indique que, pour 10 000 employés dans le secteur industriel en 2018, il y a 774 robots en Corée du Sud, 338 en Allemagne, 327 au Japon, 247 en Suède et 217 aux États-Unis. Loin derrière l’Italie, la Belgique, l’Autriche et l’Espagne, le score de la France s’élève à 154. Du côté de notre quotidien, la société japonaise Softbank Robotics (ex-entreprise française Aldebaran Robotics) annonce que plus de 20 000 de ses robots Nao (humanoïde bipède de 58 centimètres de haut) et Pepper (son grand « frère » à roulettes haut de 1,20 mètre) sont utilisés dans 70 pays dans les domaines de l’éducation, de la vente, de la santé ou du tourisme.
7 - Vont-ils « voler » nos emplois ?
Cette perspective concerne moins les robots, machines physiques réelles, que des logiciels dotés d’intelligence artificielle (IA) appelés à remplacer les cols blancs, du conseil bancaire aux assurances, en passant par le diagnostic médical. Mais Grégory Verdugo, chercheur au Centre d’économie de la Sorbonne1, modère ces prédictions, du moins pour les prochaines décennies : ce serait plutôt la nature des emplois qui muterait. « Historiquement, la technologie transformerait l’emploi plus qu’elle ne le détruit, nous poussant à nous spécialiser là où se trouvera l’avantage comparatif de l’humain sur la machine », expliquait-il.
Et ce n’est pas parce qu’une activité s’est automatisée qu’elle n’emploie plus d’humains : en 2016, l’industrie automobile allemande, une des plus robotisées au monde, emploie 100 000 salariés de plus que vingt ans auparavant, soit 800 000 personnes contre 440 000 en France2. Selon le Conseil d’orientation pour l’emploi, mieux vaut se préparer à ce que la nature de 50 % des emplois change sous l’influence de l’IA et que soient créés de nouveaux emplois dans les domaines spécialisés tels que l’informatique et l’ingénierie. ♦
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Auteur
Journaliste scientifique, autrice jeunesse et directrice de collection (une vingtaine de livres publiés chez Fleurus, Mango et Millepages).
Formation initiale : DEA de mécanique des fluides + diplômes en journalisme à Paris 7 et au CFPJ.
Plus récemment : des masterclass et des stages en écriture...