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Voici Pyrène, le nouveau robot humanoïde
Visiblement, Pyrène n’est pas un robot bipède comme les autres. Avec sa démarche presque humaine et une force hors du commun, cette nouvelle recrue du Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes (Laas) 1 sera bientôt capable de surmonter un grand nombre d’obstacles, comme des marches d’escalier ou un terrain accidenté, le tout en portant de lourdes charges. Il pourra même se servir d’« outils », une première dans le monde de la robotique humanoïde.
Du haut de ses un mètre soixante-quinze, Pyrène doit son agilité à une structure complexe qui permet trente-deux degrés de libertés (soit trente-deux mouvements articulaires indépendants). En adaptant ses pas à l’environnement et au terrain, il fait preuve d’une impressionnante stabilité grâce à sa centrale inertielle, qui garantit son équilibre un peu comme le fait l’oreille interne chez l’être humain. Des caméras stéréo à détection de profondeur lui permettent de « voir » un obstacle avant de le contourner. Doté de pinces de préhension, il peut saisir un objet sans l’abîmer. Des capteurs de forces situés aux poignets et aux chevilles lui permettent de percevoir les forces extérieures pour interagir de façon adaptée avec son environnement. Et Enfin, des capteurs de couple situés dans les autres articulations assurent que les mouvements du robot prennent en compte la dynamique de l’ensemble. Cette dernière potentialité est essentielle pour permettre de générer une commande en couple afin d’interagir avec l’environnement.
Dévoilé en février, Pyrène représente une réelle rupture avec les modèles précédents de robots bipèdes. Alliant une meilleure réactivité à l’environnement et des capacités accrues, ce robot est un bel exemple de travail commun entre recherche et industrie. Car Pyrène est avant tout le fruit d’une collaboration entre les roboticiens du Laas, à Toulouse, et le fabricant PAL Robotics2, de Barcelone, d’où son nom, un clin d’œil à la chaîne de montagne qui sépare les deux pays.
Une plateforme nouvelle génération
Mais en définitive, à quoi Pyrène va-t-il vraiment servir ? Pour Gepetto, l’équipe du Laas chargée de définir les exigences de conception du robot, plusieurs considérations entrent en jeu ; à commencer par l’avancement de la recherche sur le mouvement des systèmes anthropomorphes. Depuis sa création en 2006, cette équipe s’efforce de comprendre les principes qui régissent le mouvement humain, et l’étude des robots humanoïdes est un aspect essentiel de ce travail. Les découvertes effectuées dans le cadre de cette démarche peuvent ensuite mener à des applications pratiques dans plusieurs domaines tels que la biomécanique, l’ergonomie du mouvement ou la conception de prothèses.
Depuis son lancement, Gepetto utilisait la plateforme japonaise HRP-2, livrée au Laas en 2006 suite à la création du laboratoire franco-japonais de robotique entre le CNRS et l’AIST3. Philippe Souères, responsable de Gepetto, nous rappelle que HRP-2 a déjà permis à son équipe de « montrer sa capacité à créer des algorithmes régissant le déplacement du robot et la coordination de ses mouvements ». Mais suite aux nombreuses avancées technologiques des dix dernières années, il était temps de « mettre à profit son expérience sur une plateforme de nouvelle génération » ; en l’occurrence, Pyrène.
Une assistance robotique
Au-delà du monde de la recherche, les impressionnantes capacités des robots humanoïdes prédisent leur arrivée dans plusieurs domaines : l’intervention en zone à risque, la robotique de service ou d’assistance médicale, ou encore l’usine du futur.
Ces robots humanoïdes seront essentiels lorsqu’il s’agira d’accomplir des tâches dangereuses, éprouvantes, ou quasi-impossibles pour l’humain ; et ces fonctionnalités de « terrain » sont clairement dans la ligne de mire de Gepetto. En raison des divers projets que partagent actuellement le Laas et le constructeur aéronautique Airbus, l’équipe souhaitait aussi concevoir un robot adapté aux « tâches éprouvantes susceptibles de causer des troubles musculosquelettiques chez l’être humain », précise Olivier Stasse, directeur de recherche dans l’équipe Gepetto qui pilote le projet Pyrène.
Et puisque les robots humanoïdes n’ont pas vocation à « remplacer » la main-d’œuvre humaine, mais plutôt à œuvrer à ses côtés – « assister des personnes dans des environnements conçus pour des personnes », comme l’explique Olivier Stasse — l’équipe devait développer un modèle qui ne présente aucun danger pour l’être humain. Cette nécessité à la fois d’un robot très fort et doté d’une excellente perception de son environnement a mené l’équipe à définir un certain nombre de spécifications techniques, telles qu’« une plus grande puissance dans les actionneursFermerDispositifs qui transforment de l’énergie en mouvement du robot, de meilleures capacités de perception et un traitement de données plus rapide », explique Philippe Souères.
Une fois toutes ses exigences définies, Gepetto a lancé un appel d’offres pour trouver un fabricant capable d’affiner son concept, puis de le mettre en production. C’est l’espagnol PAL Robotics qui a été sélectionné. « Nous avions déjà été très impressionnés par les deux générations précédentes de robots humanoïdes du fabricant, raconte Olivier Stasse. L’exceptionnelle qualité de nos échanges pendant toute la collaboration n’a fait que confirmer cette compétence. » Pyrène est le premier robot humanoïde de troisième génération produit par PAL Robotics et le premier modèle d’une nouvelle série de robots que la société commercialise sous le nom de « Talos ».
Tour de force
D’un point de vue technique, comment se distingue-t-il de ses prédécesseurs ? Par sa capacité à monter un escalier, par exemple, une tâche encore difficile pour un robot bipède. « Les dimensions des jambes des robots humanoïdes précédents posaient problème avec des marches de taille normale », raconte Olivier Stasse, expliquant ainsi pourquoi les jambes de Pyrène ont été allongées.
Autre innovation, et ce grâce à la complète réorganisation des moteurs situés dans les articulations du robot : Pyrène peut « se servir d’outils et effectuer des actions complexes, telles que visser quelque chose ou percer un trou ». Même si d’autres robots en sont capables aujourd’hui, il s’agit d’une première pour un robot humanoïde bipède.
Et Pyrène est également très fort, pouvant porter un poids record de 6 kg au bout de chaque bras. Mais cette force et d’autres capacités – comme celles qui lui permettent de marcher sur un terrain irrégulier – sont aussi très gourmandes en énergie.
« Pyrène est équipé de moteurs plus puissants qui le rendent plus rapide, plus vif », explique Olivier Stasse, et il fonctionne entièrement à l’énergie électrique. Un choix qui se veut stratégique. Car si l’énergie hydraulique, qu’utilisent d’autres humanoïdes tels que le puissant Atlas4 de Boston Dynamics, donne au robot une vivacité rare, elle reste difficile à canaliser de façon contrôlée et « adaptée à un environnement humain, ce qui reste notre priorité », conclut-il.
Quand l’information passe à l’action
Sur le plan informatique, Pyrène allie une excellente capacité de perception et forte puissance de calcul, deux qualités nécessaires pour réagir rapidement à un imprévu. Plus un robot arrive à capter des données sur son environnement et à les traiter rapidement, plus sa réponse sera adaptée. « Quand il rencontre un obstacle, il doit être capable de retrouver son équilibre en un temps très bref, sous peine de tomber », explique Olivier Stasse. Pour écourter ce temps de réaction, les capteurs high-tech de Pyrène sont optimisés par des processeurs de dernière génération, tandis que ses bus – les systèmes qui transfèrent des données entre les composants informatiques – ont été entièrement réorganisés pour faciliter le transfert d’information, augmentant ainsi sa capacité de calcul.
La construction du robot humanoïde a été cofinancée par le CNRS via l’INS2I5, mais aussi par une bourse ERC (Conseil européen de la recherche) accordée à Actanthrope (2014-2018), « un projet du Laas dirigé par le fondateur de Gepetto, Jean-Paul Laumond, sur les fondements calculatoires de l’action anthropomorphe, et qui avait budgétisé l’achat d’un robot humanoïde », ajoute Philippe Souères. Les chercheurs du Laas peuvent maintenant s’attendre à un important retour scientifique sur leur investissement : Pyrène est « une plateforme ultramoderne qui annonce une nouvelle ère pour la recherche sur les capacités des humanoïdes », s’enthousiasme le responsable de Gepetto. Sur le plan industriel, il explique que dans le cadre de la collaboration du Laas avec Airbus, « les toutes premières démonstrations des capacités de Pyrène à se déplacer, à utiliser des outils et à accomplir des tâches en usine sont prévues pour cette année ».
- 1. Unité CNRS
- 2. PAL Robotics est une entreprise qui conçoit, produit et maintient des robots humanoïdes bipèdes depuis 2004. https://pal-robotics.com
- 3. Mis en place en 2003 par le CNRS et l’Intelligent Systems Research Institute de l’AIST (National Institute of Advanced Industrial Science and Technology) à Tsukuba, le CNRS-AIST Joint Research Laboratory a été créé dans le but de favoriser la collaboration franco-japonaise dans le domaine du développement de l’autonomie et de l’interactivité des robots.
- 4. Présenté au grand public en 2013, Atlas est un robot humanoïde bipède conçu pour évoluer sur terrain difficile en extérieur. Sa conception a été financée par une agence dépendant de l’United States Department of Defense, qui espère voir un jour le robot participer à des opérations de sauvetage ou accomplir des tâches en milieu hostile.
- 5. Institut des sciences de l’information et de leurs interactions. www.cnrs.fr/ins2i
Auteur
Fui Lee Luk est journaliste et traductrice indépendante pour différents médias dont CNRSNews. Elle est titulaire d'un doctorat en littérature française (Paris III / Université de Sydney).
Commentaires
Génial! Super pyrène! Enfin
Thibaut demaille le 14 Janvier 2019 à 07h40Connectez-vous, rejoignez la communauté
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