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Un robot plongeur pour nettoyer les zones côtières
Malgré ses deux tonnes, elle plonge à la recherche de déchets sous-marins qu’elle remonte ensuite à la surface. Elle, c'est la partie mobile d’une plateforme flottante et robotisée, dédiée au nettoyage des fonds marins. Conçu dans le cadre du projet européen Maelstrom1 réunissant quatorze partenaires issus de huit pays, l’ensemble se présente sous la forme d’une barge flottante, vide en son centre afin de laisser un espace en forme de piscine pour que le robot puisse plonger. Un relevé acoustique préalable repère les fortes concentrations de déchets et indique la zone à nettoyer.
Selon les estimations de l’équipe de Maelstrom, 83 millions de tonnes de déchets plastiques pollueraient les océans. Apportant sa pierre à la lutte contre ce fléau, la barge se veut une réponse plus particulièrement adaptée au nettoyage des environnements côtiers. Le robot peut ainsi descendre jusqu’à 15 ou 20 mètres de profondeur et travailler sur une surface de 70 mètres carrés sans avoir à déplacer le reste de la barge.
Huit câbles pour un robot maniable et précis
Le robot plongeur est contrôlé par un système de huit câbles, reliés à quatre poteaux, dont l’enroulement et le déroulement offrent une liberté et une précision surprenantes de mouvement. Le robot peut ainsi manipuler des charges plus lourdes que s’il était propulsé comme un robot sous-marin classique et assure sa stabilité en présence de courants. La précision de ce système permet également de contourner une difficulté majeure : les GPS ne fonctionnent pas dans l’eau et ne peuvent donc pas indiquer la position et l’orientation d’un robot sous-marin.
« À notre connaissance, c’est un mélange inédit entre un robot à câbles et un véhicule sous-marin téléopéré, deux grandes spécialités de notre laboratoire, explique Marc Gouttefarde, directeur de recherche CNRS au Laboratoire d’informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier2 (Lirmm). Nous avons travaillé sur les commandes et les capteurs du robot, avec un système de caméras et un capteur acoustique qui mesure la distance entre la partie mobile de la plateforme et le fond de la mer. Une centrale inertielle permet également de surveiller l’orientation du robot une fois qu’il est sous l’eau. Le reste de l’ingénierie a été réalisé par la fondation de recherche Tecnalia3. »
Premiers tests en eaux troubles
La plateforme a été testée pendant deux semaines, au mois de septembre, dans la lagune de Venise sous la coordination du laboratoire italien CNR-ISMAR4. Le robot était alors pourvu d’un aspirateur et d’un grappin pour attraper des déchets comme du plastique, des pneus ou des filets de pêche. « Nous avons rencontré des difficultés lors de cette phase d’expérimentation, car, s’il faisait très beau hors de l’eau, la visibilité sous-marine était quasiment nulle, décrit Marc Gouttefarde. On ne pouvait identifier les déchets qu’une fois arrivé à seulement quelques centimètres d’eux. »
En réponse, le Lirmm prévoit de mener des travaux près de Montpellier, où la clarté de l’eau devrait permettre d’établir une solide base de données de photographies et de vidéos sur les ordures sous-marines. « Nous avons déjà mené des travaux similaires sur l’identification de poissons », précise le chercheur. La base de données permettra ensuite d’entraîner des intelligences artificielles afin qu’elles désignent d’elles-mêmes au robot les détritus à enlever. Les chercheurs travaillent aussi à la récupération automatique du déchet, c’est-à-dire la possibilité pour un opérateur humain de cliquer sur les détritus qu’il reconnaît sur une vidéo afin que le système les récupère.
D’autres pistes d’amélioration sont également suivies. « Les systèmes de robots à câbles sont faciles à changer d’échelle afin de traiter une plus grande zone, mais cela coûte cher, regrette Marc Gouttefarde. Autre idée, la barge est actuellement tractée par bateau, mais on peut tout à fait imaginer une version motorisée et équipée d’un GPS de surface afin de l’emmener nettoyer des endroits précis. »
La barge a d’ailleurs été conçue avec l’aide de Servizi Tecnici, une société vénitienne spécialisée dans la construction de surfaces flottantes pour l’évènementiel, par exemple pour des feux d’artifice ou des concerts. L’équipe de Maelstrom réfléchit à démonter le système pour le tester dans d’autres conditions, mais les nouveaux lieux n’ont pas encore été choisis. Le projet Maelstrom comporte également un autre volet : un système de barrière à bulles qui a été testé dans la rivière Ave, au Portugal. Elle empêche les déchets de poursuivre leur chemin vers l’océan et les rabat sur les berges où ils peuvent être plus facilement récoltés. Le tout, sans gêner la vie aquatique.
En attendant de nouvelles expérimentations grandeur nature, les chercheurs du Lirmm continuent de travailler sur la partie intelligence artificielle du projet. La détection et la capture automatiques des déchets accéléreraient en effet le nettoyage des zones côtières. ♦
- 1. Smart technology for marine litter sustainable removal and management, technologie intelligente pour l’enlèvement et la gestion durables des déchets marins.
- 2. Unité CNRS/Université de Montpellier.
- 3. TECNALIA, Basque Research and Technology Alliance (BRTA).
- 4. Istituto di scienze marine del Consiglio nazionale delle ricerche, Institut des sciences marines du Conseil national de la recherche.
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Auteur
Diplômé de l’École supérieure de journalisme de Lille, Martin Koppe a notamment travaillé pour les Dossiers d’archéologie, Science et Vie Junior et La Recherche, ainsi que pour le site Maxisciences.com. Il est également diplômé en histoire de l’art, en archéométrie et en épistémologie.
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