Vous êtes ici
Les IRM cérébrales ont leur traducteur automatique
Du partage de vidéos à l’enseignement des langues en passant par les coachs en ligne, on ne compte plus les nouveaux services offerts par les plateformes interactives du Web. C’est dans ce contexte qu’une équipe franco-espagnole de chercheurs a décidé de s’attaquer à l’analyse de données un peu particulière : les IRM 3D du cerveau. Ces derniers ont développé volBrain, une plateforme gratuite sur laquelle les chercheurs peuvent déposer les fichiers d’une IRM structurelle et obtenir en un temps record une analyse automatisée du volume des structures cérébrales scannées.
Quatre années de développement
Cette première mondiale a nécessité quatre années de collaboration entre Jose Vicente Manjón Herrera, professeur à l’université polytechnique de Valence en Espagne, et Pierrick Coupé, du Laboratoire bordelais de recherche en informatique1. Concrètement, VolBrain commence par améliorer la qualité de l’image puis segmente les structures sous-corticales. Ces régions du cerveau situées sous le cortex, comme l’hippocampe ou l’amygdale, sont extraites automatiquement et peuvent être observées et manipulées en 3D. « volBrain mesure le volume des structures sous-corticales, puis les compare à des valeurs moyennes estimées sur une population de sujets contrôles, explique Pierrick Coupé. La plateforme indique au chercheur si une des structures a un volume anormal. Par exemple, une réduction de l’hippocampe peut être un biomarqueur précoce de la maladie d’Alzheimer ou d’une sclérose en plaques. volBrain reste aujourd’hui un outil de recherche, et non pas d’aide au diagnostic. » Le processus d’homologation pour une utilisation en milieu hospitalier est en effet cher, long et coûteux.
au chercheur si
une des structures
sous-corticales
a un volume
anormal.
La plateforme traite les fichiers IRM en environ quinze minutes et envoie directement le résultat dans la boîte e-mail du chercheur. Les serveurs du site, installés à Valence, peuvent traiter jusqu’à 500 IRM par jour! Si l’inscription est libre pour tous les utilisateurs, les hôpitaux et les centres de recherche constituent le gros des utilisateurs. Pas moins de 124 institutions issues de six continents ont accepté d’apparaître officiellement sur le site, mais il existe en réalité davantage d’inscrits.
Un outil statistique
La plateforme, qui n’accepte que des données anonymisées, permet aux chercheurs de réaliser des études statistiques sur le cerveau. Thomas Tourdias, neuroradiologue et enseignant-chercheur au Neurocentre Magendie de Bordeaux, utilise justement volBrain dans le cadre de ses travaux sur la sclérose en plaques. Cette maladie, surtout connue pour les handicaps moteurs qu’elle engendre, provoque également des troubles cognitifs longtemps négligés. Elle touche entre autres l’hippocampe, qui constitue un des centres de la mémoire.
« Il n’existe pas d’autres moyens que l’imagerie pour “observer” l’intérieur du cerveau d’un patient de manière non invasive, explique Thomas Tourdias. Mais, même avec une IRM, délimiter à la main un hippocampe pour en connaître le volume reste extrêmement fastidieux et dépendant de l'opérateur. Cela peut prendre plusieurs heures pour délimiter l’hippocampe droit et gauche. volBrain permet une extraction rapide, standardisée et reproductible de cette structure cérébrale. »
Vers une standardisation de l'analyse d’IRM
Les frontières de certaines aires cérébrales ne font en effet pas consensus et des chercheurs différents risquent d’obtenir des volumes différents. volBrain suit toujours les mêmes standards et donne des résultats normalisés en fonction du volume de la cavité intercrânienne. Cela permet de prendre en compte la variabilité interindividuelle de la taille du cerveau. Ces étapes rendent possible l’établissement de statistiques cérébrales sur des populations importantes, une analyse difficile sans cette standardisation.
Pierrick Coupé et Jose Vicente Manjón Herrera souhaitent préserver la gratuité de cet outil pour la recherche académique et continuent de l’améliorer. Le passage à une analyse effectuée entièrement sur le cloud fait partie de leurs objectifs, afin de se préparer à l’accroissement du trafic et des données. Une plateforme similaire, dédiée aux IRM révélant la microstructure du cerveau, comme les fibres de matière blanche, est également en cours de développement sous le nom de dtiBrain. L’utilisation de volBrain et de dtiBrain permettra d’analyser conjointement la macro et la microstructure du cerveau. En attendant, la communauté des utilisateurs de volBrain ne cesse d’augmenter.
- 1. Unité CNRS/Univ. de Bordeaux/Bordeaux INP.
Mots-clés
Partager cet article
Auteur
Diplômé de l’École supérieure de journalisme de Lille, Martin Koppe a notamment travaillé pour les Dossiers d’archéologie, Science et Vie Junior et La Recherche, ainsi que pour le site Maxisciences.com. Il est également diplômé en histoire de l’art, en archéométrie et en épistémologie.
Commentaires
Connectez-vous, rejoignez la communauté
du journal CNRS