Donner du sens à la science

Le genre, c’est de la science

Dossier
Paru le 02.03.2023
Mis à jour le 23.06.2023
Précieuses études de genre

Le genre, c’est de la science

07.03.2014, par
La philosophe Sandra Laugier fait le point sur les travaux scientifiques menés sur le genre au CNRS et sur leurs enjeux.

Oui, le CNRS soutient la recherche sur le genre : depuis longtemps à travers la Mission pour la place des femmes et des programmes dans ses laboratoires, plus récemment avec l’ouverture de postes de chercheur(e)s affichés « genre », avec la création du Groupement d’intérêt scientifique Institut du genre et le lancement par la Mission interdisciplinarité du Défi Genre. Ailleurs, le domaine du genre est affiché dans de nombreux ­programmes de ­recherche internationaux, dans le programme européen Horizon 2020, et dans celui de la National Science Foundation (NSF) aux USA.

Comment est-ce possible ? Le genre serait, à entendre diverses critiques, une « théorie », qui nie la différence des sexes et tente de s’imposer dans les programmes scolaires avec un agenda idéologique sulfureux. Or s’il n’existe pas UNE « théorie du genre », de nombreux travaux scientifiques, en théorisant le genre, s’attachent à montrer le caractère social des représentations du masculin et du féminin et les rapports de pouvoir qui produisent les inégalités entre les sexes.

Une mise en cause du savoir

Alors pourquoi cette campagne ­dénonçant la « théorie du genre », qui a même conduit le gouvernement à reculer sur des projets de réforme urgents ? Remarquons que qualifier un savoir de « théorie », avec une tonalité dévalorisante (alors que toute science propose des théories !) est une stratégie éprouvée de l’obscurantisme militant. Les créationnistes aux États-Unis qualifient la science de l’évolution de « théorie » pour tenter d’empêcher ce savoir impie de se répandre dans les écoles. Un épisode souvent cité par les épistémologues est celui du jugement de la Cour fédérale, en 2002, condamnant un lycée d’Atlanta dont la direction avait, sous la pression de certains parents, fait apposer sur les manuels de biologie des élèves un ­sticker : « L’évolution est une théorie, pas une certitude » – « une théorie de l’origine des êtres vivants qui doit être approchée avec prudence et esprit critique. »

Les études ont
pointé l’erreur à ne
pas tenir compte
de la ­variable
“genre” dans
les recherches.

Jeter le doute sur des connaissances ­acquises : c’est la méthode de ceux qui qualifient de pure « théorie » ce qui relève des faits et veulent nier l’évidence. Que nous apprend la science de l’évolution, sinon que l’humain fait partie des animaux et n’a pas de privilège au sein de la nature, sinon la place qu’il s’est faite ? Que nous apprend la science du genre, sinon que la différence des sexes, une différence parmi tant d’autres, ne devrait pas faire de différence dans le destin social des individus, et que pourtant elle entraîne partout des inégalités ?

On voit où se situe l’enjeu, qui est double, des attaques contre les études sur le genre. En premier lieu, il est d’ordre scientifique. L’objectif du réactionnaire antigenre est de faire croire que les études sur le genre ne sont pas de la science mais « une théorie ». Or la prise en compte du genre est avant tout une ­affaire scientifique, articulant « DES théories » et des faits (c’est ainsi que fonctionne la science, par des ensembles explicatifs fondés dans la preuve). D’abord développées par les sciences humaines et socia­les, les études ont pointé l’erreur à ne pas tenir compte de la ­variable « genre » dans les recherches. Elles ont montré, par exemple, que le travail ne se réduit pas à sa dimension profes­sionnelle ou productive, mais inclut le travail domestique, que les « droits de l’homme » n’incluent pas les femmes, etc. La ­méthode vaut pour les autres sciences : sous-­évaluation et traitements inadaptés des maladies cardiaques chez les femmes ou, à l’inverse, de l’ostéoporose chez les hommes. Les études sur le genre ont ainsi mis en évidence la prédominance du point de vue androcentré, qui, en s’ignorant comme tel, généralise à partir du cas particulier masculin.

Une question très politique

En second lieu, les recherches sur le genre, d’abord scientifiques, posent des questions politiques : elles font voir une réalité désagréable, celles d’inégalités injustifiables dans un ensemble de ­citoyens en principe égaux. C’est la cause profonde des attaques actuelles contre le genre. Ces recherches, et les faits qu’elles établissent, questionnent l’organisation traditionnelle de la famille, la domination masculine et l’hétéronormativité, les inégalités liées au sexe qui traversent notre société.

Le CNRS est l’acteur de la recherche et de l’enseignement supérieur le plus ­anciennement et fortement engagé en faveur des recherches sur le genre. Il les soutient en prenant en compte les enjeux de la recherche et de l’égalité comme inséparables. Les questions scientifiques sont des questions sociales. Développer la recherche sur le genre, c’est lutter pour la reconnaissance des inégalités et contre leurs causes, et aussi contre des préjugés qui attaquent la science elle-même. C’est l’engagement du CNRS, et le thème de la journée du 10 mars 2014 qui, sous la bannière des Nouvelles sciences du genre, réunira au CNRS des chercheur(e)s de toutes disciplines.

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À lire / À voir

Consultez le programme de la matinée « Intégrer la dimension genre dans la recherche », à laquelle participe Sandra Laugier  le vendredi 7 mars.

Découvrez un nouvel article sur le genre dès le lundi 10 mars, à l’occasion du colloque « Nouvelles sciences du genre » du CNRS dont le programme se trouve ici.

Commentaires

13 commentaires

Il y a un fond de philosophie, en toutes choses. Pourtant ce "débat" me parait plus politique que scientifique, même si oui la biologie est une science. Mais, "elle entraîne partout des inégalités" les sources des inégalités aujourd'hui sont plus souvent le fruit de mauvaises décisions politique, de mauvaise information, d'une culture trop pauvre. On peut ne pas tous comprendre, mais on doit pouvoir être à même de se remettre en question à travers la capacité d'étudier. Faut-il encore avoir accès à toutes l'information. A nouveau et l'endroit me semble bien choisi, je vous demande de bien vouloir vous posez la question suivante : Le fait que nous vivions sur une planète entraver de frontières géo-politique, de frontières économique, de frontière socio-culturelle (exemple, vous et moi n'avons pas été dans les même écoles pour divers critères, mais pensez-vous vraiment que cela vienne d'un problème de capacité "mentale"?), d'un ensemble de frontière mis en place par des Hommes, mis en place par des systèmes qui n'ont plus rien d'Humain mais de bureaucratique, n'est-il pas une entrave à notre propre évolution. N'aurions nous pas tous à gagner à vivre en tant que Citoyen du Monde plutôt que Français limité à ce que l'on peu me donner sans divulguer des secrets d'état, sans divulgué des secrets de fabrication. Ses divers "secrets" et bien d'autre comme les licences, les brevets, ne sont-ils pas devenu une nouvelle forme d'obscurantisme, un frein à notre évolution ?

Benjamin Zerath, que peut-être le problème n'est pas le genre (qui devrais faire parti bien au delà de l'acquis mais du compris, mais le niveau de connaissance qui est brider pour divers raisons, raisons qui aujourd'hui nous font perdre un temps précieux pour avancer. Un journaliste du New York Times disait les Hommes comprendront ce qu'ils sont le jour ou des extra terrestre débarqueront ... Devons-nous attendre ? Pour être pris de cours (comme si bien expliquer par le CNRS pour 1914-18)

Quelle tristesse que cet article sorte des mois après les faits. Il aurait pu clarifier pas mal des mensonges qu'on a pû entendre ou lire dans divers médias en guise d'analyse de certaines manifs. M'enfin, vieux motard que jamais.

Oui, mais peut-être est-là une leçon à retenir ... L'UNESCO n'est-il pas de part sa nature sensé être la Grande Bibliothèque d'Alexandrie ... de contenir tous les savoir et ce en accès Libre ... ou son les serveurs .. les codes sources ...

"Le CNRS est l’acteur de la recherche et de l’enseignement supérieur le plus ­anciennement et fortement engagé en faveur des recherches sur le genre." Non, je crois que c'était cette école : https://en.wikipedia.org/wiki/School_of_Athens#mediaviewer/File:Sanzio 01.jpg (On remarque Hypatie ... et d'autre)

Je comprends bien que vous ayez du mal à comprendre ce que je dis, vous avez approximativement toujours eux accès sans limite à la corne d'abondance du savoir et de la connaissance. Internet à ses limites. Bien sure vous allez me dire que si je voulais un labo pour jouer avec des robots fallait bosser à l'école ... ah ben oui mais justement je me suis fais arnaqué par l'éducation national ~_~

En tant qu'observateur social (je suis éducateur) je remarque que la différence s'observe dans les couches hautes de la société, ce qui veut dire que dès que l'on s'approche des zones de pouvoir on voit la résistance s'installer contre l'égalité sexuelle. Dans les classes modestes ou moyennes, l'égalité s'est installée par nécessité et le partage des tâches, par exemple, se fait de manière naturelle sans qu'une tâche soit plus sexuée qu'une autre (ménage, vaisselle, changement des couches etc... est répartie en fonction de la disponibilité de la personne homme ou femme). Alors la théorie du genre devrait être plutôt enseignée aux énarques et autres science Po plutôt qu'à la maternelle. La véritable question reste l'élargissement des fossés qui séparent les classes moyennes des instances proches "des" pouvoirs.

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