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Le paradoxe de Fermi et les extraterrestres invisibles

Le paradoxe de Fermi et les extraterrestres invisibles

05.02.2015, par
Le physicien Gabriel Chardin explique pourquoi aucune civilisation extraterrestre ne nous a encore rendu visite, alors que notre galaxie compte plusieurs centaines de milliards de planètes. Une question très sérieuse connue sous le nom de paradoxe de Fermi.

Une fois par mois, retrouvez sur notre site les Inédits du CNRS, des analyses scientifiques originales publiées en partenariat avec Libération.


Au début des années 1950, le physicien et Prix Nobel Enrico Fermi lançait la discussion sur le paradoxe apparent suivant : alors qu’environ deux cents milliards d’étoiles existent dans notre galaxie, et que très probablement, comme nous le savons assez précisément aujourd’hui, plusieurs centaines de milliards de planètes orbitent également autour d’elles, comment peut-il se faire que nous n’ayons pas encore été visités par de (nombreuses) civilisations d’extraterrestres ?

En effet, faisons l’hypothèse que la vie émerge sur une fraction même très minime de ces milliards de planètes : les dimensions de notre galaxie (quelques dizaines de milliers d’années-lumière) laissent espérer, pour une civilisation comme la nôtre assez proche de la capacité d’explorer à une fraction appréciable de la vitesse de la lumière les systèmes environnants, une exploration d’une large part de la galaxie en un temps inférieur à 1 million d’années. Or ce temps n’est que le dix-millième environ de l’âge de notre galaxie, la Voie lactée, âgée d’environ 13 milliards d’années, ou de notre Univers, âgé de 14 milliards d’années environ. Il eût donc été fort probable que notre planète ait été visitée par plusieurs centaines d’espèces différentes d’extraterrestres, qui sont à ce jour remarquablement absentes.

Enrico Fermi dans les années 40
Enrico Fermi, Prix Nobel de physique en 1938.
Enrico Fermi dans les années 40
Enrico Fermi, Prix Nobel de physique en 1938.

Une simple question de délai ?

Un point semble toutefois avoir peu été discuté par Fermi : le délai dont nous disposons avant d’épuiser les ressources à notre disposition, que ce soit à l’échelle de notre planète Terre, ou même à l’échelle de l’Univers observable (disons à l’intérieur d’un rayon de 10 milliards d’années-lumière, soit environ 100 milliards de milliards de kilomètres).

Sous l’hypothèse apparemment raisonnable d’un taux de croissance de la consommation et de l’utilisation des ressources de 2 % par an, la durée d’épuisement des ressources de la Terre est de quelques centaines d’années, avec une large marge d’incertitude. Pour l’Univers observable tout entier, curieusement, l’estimation est plus précise : entre 5 000 et 6 000 ans, à très peu de chose près…

Une croissance
de 2 % par an
poursuivie
pendant quelques
millénaires
grille presque
nécessairement le
système planétaire
qui en subit l’expérience.

Ce temps est ridiculement faible et lui aussi apparemment paradoxal : pour épuiser les ressources dans un rayon de 10 milliards d’années-lumière, il faudrait, a priori, plusieurs milliards d’années, sauf à avoir simultanément à l’œuvre un très grand nombre de civilisations expansionnistes, ou à aller plus vite que la vitesse de la lumière, ce qui semble impossible. Autrement dit, une croissance de 2 % par an poursuivie pendant quelques millénaires grille presque nécessairement le système planétaire qui en subit l’expérience.

La vie, accélérateur d’instabilité

Nous tenons donc ici ce que j’estime être la meilleure réponse au paradoxe de Fermi : la vie constitue une sorte d’accélérateur, qui induit une extrême instabilité. Ainsi, sans une stratégie extrêmement précise et rigoureuse, il est infiniment probable que, telles des fourmis vivant sur un tas de salpêtre, nous grillions le jour où nous découvrons les allumettes, bien avant d’être parvenus à développer le voyage interstellaire. Car, si nous analysons notre histoire et ses violences répétées, quasi-permanentes, si nous regardons avec lucidité notre avidité à utiliser sans vergogne les ressources naturelles, dont beaucoup sont en ce moment même en voie d’épuisement, avec un horizon inférieur à quelques dizaines d’années, l’instabilité très forte apportée par la vie semble l’explication la plus probable au paradoxe de Fermi.

Scène du film Interstellar
Image extraite du film Interstellar de Christopher Nolan, avec Matthew McConaughey (2014).
Scène du film Interstellar
Image extraite du film Interstellar de Christopher Nolan, avec Matthew McConaughey (2014).

Mais nous n’avons pas encore épuisé ou grillé la Terre, comme l’imagine le film Interstellar. Pouvons-nous encore réagir et tenter de développer, au moins dans ses grands principes, une stratégie permettant de poursuivre l’incroyable expansion des connaissances que nous constatons depuis quelques dizaines d’années ? En effet, un chiffre particulièrement frappant de notre société, où le développement technologique a joué un rôle prépondérant dans le changement des conditions de vie d’une très large part de l’humanité, est que si 6 % de tous les êtres humains nés sur Terre étaient encore en vie en l’an 2000 – ce qui est déjà une proportion énorme – c’est près de 90 % des chercheurs de toute l’histoire de l’humanité qui étaient encore vivants à cette même date.

Je défends donc l’idée qu’il est essentiel, durant les quelques dizaines d’années où nous pouvons espérer poursuivre la phase de développement technologique que nous connaissons actuellement, que l’ensemble des pays, et en premier lieu les pays développés qui ont la chance de pouvoir disposer déjà de structures de recherche éprouvées, mettent en toute première priorité le développement des activités de recherche et développement qui seules pourront nous permettre de faire face aux défis à venir.
 
Et, même si cette possibilité m’apparaît chaque jour plus improbable, de définir une stratégie permettant à l’humanité de poursuivre un développement technologique, plus respectueux de la nature et de ses lois, afin de peut-être, dans quelques dizaines d’années à un siècle, pouvoir aller explorer d’autres systèmes planétaires, démentant enfin le paradoxe de Fermi. Le défi est énorme, mais nous ne l’avons pas encore perdu.     

Les points de vue, les opinions et les analyses publiés dans cette rubrique n’engagent que leur auteur. Ils ne sauraient constituer une quelconque position du CNRS.     

       
 
En ligne : suite à la parution de ce billet, Rue89 a organisé un débat entre Gabriel Chardin et l'économiste Alexandre Delaigue :
http://rue89.nouvelobs.com/2015/02/28/croissance-a-quelle-distance-est-limites-257868
 

Commentaires

49 commentaires

En fait pour répondre à ceux qui pensent qu'on a déjà été visité (ce qui est une possibilité). Il y a un détail amusant, c'est que si c'était le cas, il y aurait eu un grand intérêt à venir nous voir, ne serait-ce que pour les ressources. Notre civilisation n'aurait pas forcément d'intérêt, à part de la curiosité, mais exploiter les ressources oui. Alors, oui, on peut arguer que si ces civilisations sont si développées, elles vivent de l'air du temps... j'en doute. A moins qu'on ait eu la chance d'être classé dans les réserves naturelles à ne pas déforester.... mais tout le système solaire ? bon pourquoi pas... mais il y a toujours des braconniers même dans une réserve... Alors où sont les gardes forestiers ? ;-)

Notre cher auteur semble avoir oublié une chose. Notre planète n'est qu'une parmi des milliards d'autres. Elle n'a donc que peu de chance d'âtre visitée! Nous avons abandonné les expéditions sur la Lune et les projets sur Mars pour des raisons de coût. Il n'est pas sûr que des civilisations avancées acceptent de payer les sommes faramineuses d'un voyage interstellaire. Enfin il y a les problèmes techniques et psychologiques d'un tel voyage intersidéral.

Ils payent en euros ou en dollars les extra-terrestres ? Et leur économie est post-libérale ? Les termes "civilisation", "psychologie" sont de l'anthropomorphisme. S'il y a une vie ailleurs dans l'univers elle est peut être difficile à concevoir pour nos esprits limités. Un peu comme Dieu (s'il existe quelque part).

Est il possible aussi d'imaginer que le destin de toute vie est de finir détruite par des phénomènes naturels (impact de météores, explosion d'astre proche, sursaut gamma, instabilité propre à la planète...). En résumé, L'univers est peut-être tellement truffé de phénomènes violents que la vie n'aurait pas le temps de se développer. La vie serait alors un phénomène trop "fragile" pour se pérenniser dans l'univers. (Les probabilités d'apparition et de disparition de la vie seraient alors très proches).

Il y a aujourd'hui des éléments très troublants, à mon sens tout en restant bon cartésien (!), qui interrogent une réalité devenue en 2014 incontestable selon Jean François Clervoy pour qui il ne s'agit plus de croire ! Ovni = Extraterrestre oui ou non ? A lire ici une synthèse 1945-2013 en France : https://www.youtube.com/watch?v=KjtA15KtwJE A écouter ici interview de J Vallée en 2001 sur Europe 1 de la min 25:45 à 36:40 https://www.youtube.com/watch?v=I4HArZZ_AuE

le fait de savoir si oui ou non , avons été visité ,et, au regard de ce que nous faisons de notre maison , je pense à Aldous Huxley qui avait dit que la terre était peut être l'enfer d'une autre planète . Cela expliquerai pourquoi les extraterrestres ne sont pas très enthousiastes à l'idée de visiter notre "paradis".

Il y a également l'approche psychologique. Étant donné que la création d'une existence ne sert évidemment que celui qui existe, il parait assez impensable que des systèmes intelligents produisent d'autres êtres intelligents pour leur imposer l'existence dans des conditions qui ne sont pas choisies par la future intelligence à qui l'on propose d'exister. Un animal fait de la reproduction. Un être intelligent crée quelque chose et sait en le créant qu'il le fait pour son service. Il y a donc fort à parier que, soit ils ont atteint l'immortalité et ne s'intéressent pas à des fourmis, soit ils se sont éteints par compréhension de l'inutilité, de la stupidité, du sadisme, d'un système esclavagiste.

Intéressante comme les commentaires font preuve de plus d'humilité et de doute scientifique que cet article. Affirmer que nous serions en mesure de nous rendre compte de visite d’ailleurs, c'est comme si une fourmis du fin fond de la forêt primaire affirmait "si un bipède géant et tout puissant existait, je serait au courant"... idem pour ce que seront les technologies du voyage spatial et de la gestion des ressources dans 1000 ans par exemple. La terre était plate pour nous il y a à peine quelques siècles, alors on peut faire l'effort d'ouvrir les yeux sur notre ignorance et la supercherie de nos certitudes actuelles, en nous demandant quelles seront nos certitudes demain.

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