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24 heures chrono pour étudier les océans
« Cette opération est une première mondiale », s’enthousiame Chris Bowler, directeur de recherche au CNRS1, qui prépare l’opération Ocean Sampling Day depuis plusieurs mois. Aujourd’hui, jour du solstice d’été, plus de 200 équipes de chercheurs vont prélever de l’eau de mer à travers le globe. Leur but : caractériser les micro-organismes marins au même moment. « C’est comme une photographie instantanée de l’état des océans, précise Chris Bowler. Nous allons échantillonner un monde inconnu. » Car, bien que les micro-organismes représentent 95 % de la biomasseFermerMasse totale des êtres vivants présents dans une aire géographique donnée. marine, à peine 10 % sont connus des scientifiques !
À la poursuite des micro-organismes
Plancton, bactéries et algues sont pourtant indispensables à la vie océanique et terrestre. « Les micro-organismes marins produisent la moitié de l’oxygène que nous respirons… C’est une sorte de forêt invisible dans les mers », explique Chris Bowler. Un poumon bleu que le chercheur connaît bien : il est l’un des hommes forts de l’expédition Tara, qui a récolté pendant quatre ans du plancton dans les océans du monde entier afin d’en étudier le génome. Présent au large de Villefranche-sur-Mer dans le cadre de sa nouvelle mission dans le Bassin méditerranéen, le bateau laboratoire participe évidemment à cette vaste opération d’échantillonnage des eaux. Une initiative qui favorise l’échange entre scientifiques à travers la planète. « Cette opération promeut la transmission mondiale des savoirs entre scientifiques. Les mêmes protocoles et les mêmes techniques seront utilisés partout », indique Chris Bowler. De l’Arctique à l’Afrique du Sud, les données seront mises en commun et comparées.
La science participative à l’honneur
L’Ocean Sampling Day rassemble des scientifiques, mais pas seulement. Le temps d’une journée, chaque citoyen pourra devenir assistant chercheur en collectant localement des données océaniques. « À travers l’opération de science participative MonOSD, on cherche à impliquer les citoyens dans la science, mais aussi à les sensibiliser à la condition des océans », souligne Chris Bowler. Température, salinité de l’eau ou vitesse du vent, toutes les informations pourront être envoyées aux chercheurs via une application pour smartphone. Des données qui alimenteront la cartographie des océans mise au point par les scientifiques.
Quelques doutes persistent cependant quant à cette initiative. « Sur le principe c’est très bien, mais nous nous attendons tout de même à récupérer quelques données incongrues qui ne seront pas forcément exploitables », sourit le chercheur. Néanmoins, cette opération de science citoyenne permettra de récolter un nombre extraordinaire d’informations utiles à la recherche. Et, dans l’idéal, il faudrait renouveler l’opération les années suivantes « pour comparer l’évolution des micro-organismes dans le temps », ajoute le chercheur. Mieux connaître ces organismes est crucial. Au-delà de leur importance pour la vie terrestre, ils constituent sans doute une formidable source d’inspiration pour les biotechnologies. L’océan pourrait bien devenir, dans les prochaines années, le vivier de traitements anti-cancer ou de biocarburants.
- 1. Chris Bowler est directeur de la section Génomique environnementale et évolutive à l’Institut de biologie de l’École normale supérieure (CNRS/ENS/Inserm). Depuis 2009, il coordonne l’opération Tara Oceans. Médaillé d’argent du CNRS en 2010, il est partenaire de l’Ocean Sampling Day.
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Auteur
Léa Galanopoulo est journaliste scientifique indépendante.