Donner du sens à la science

La machine qui tirait au sort les citoyens d’Athènes

Dossier
Paru le 06.09.2024
Le tour du patrimoine en 80 recherches
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Nous sommes à Sainte-Savine, dans le département de l’Aube, dans les locaux d’une entreprise qui fait revivre les objets du passé…
Aujourd’hui il ne s’agit pas de restaurer un monument ancien mais de créer une étonnante machine, issue de la démocratie athénienne !


Pierre Gaurier, société SNBR
On va délimiter une zone qui est la zone verte, de travail, pour pas aller travailler sur toute la zone de la pièce.
On va sélectionner ensuite l’usinage qu’on veut faire…
L’outil va venir user la partie du matériau ici, ça permet de produire dans un temps assez court et avoir quelque chose de relativement net.


C’est un robot de haute précision qui assure la taille du bloc de calcaire marbrier. Son but : créé ce qui est appelé un Klérotèriôn. Ce dispositif de la Grèce antique permettait de tirer au sort, parmi tous les citoyens, les juges d’un tribunal, les membres d’une assemblée… les personnes qui devaient effectuer certaines tache publique de la cité.

Un Klérotèriôn entier, intact n’a jamais été retrouvé dans les fouilles… Il n’existe que quelques exemplaires, incomplets, et conservés dans les musées.
Le modèle 3D utilisé aujourd’hui a donc été élaboré suite aux recherches menées par les archéologues Nicolas Bresch et Lilane Rabatel…


Liliane Rabatel, archéologue
Cette machine a été fabriquée à partir d’une restitution que nous avons proposé en nous fondant essentiellement sur un texte d’Aristote issu de la constitution des Athéniens qui nous explique le fonctionnement du tirage au sort, le processus, et qui donne quelques éléments de description des machines que nous avons mis en relation avec l’observation des vestiges. Et on pourrait dire que là on est face à ce qu’on pourrait appeler un prototype de Kléroterion dont on ne sait pas s’il a existé exactement comme ça mais qui rend compte - on pourrait dire qui fait la synthèse, (retirer phrase inutile)de ce que nous savons des textes et de ce que nous avons pu observer sur les vestiges archéologiques et donc là ça serait une machine du 4ème siècle. Le dernier quart du 4ème siècle.

ambiance
La stèle seule c’est 130 kilos, et t’as 20 kilos de socle. C’est superbe !
C’est super, vraiment.


Avant d’arriver à cette restitution en pierre, Nicolas Bresch avait déjà créé des répliques en carton qui avait permis de valider un certain nombre d’hypothèses sur le fonctionnement de cette étonnante machine. Mais une réplique grandeur nature, avec les matériaux de l’époque, permet une étude plus fine de l’objet.

Liliane Rabatel
À l’issue de ces travaux il nous est apparu nécessaire de pouvoir travailler, de poursuivre nos recherches sur le fonctionnement sur des machines, des objets plus proches de des machines de l’antiquité. Donc, en pierre. pour pouvoir réfléchir également sur les contraintes de poids, des objets qui étaient utilisés, des accessoires, les problèmes de fixations qui pouvaient être générés par ce matériau en fait.

Le klérotèriôn enfin achevé, installé, il peut désormais être testé…

Nicolas Bresch, architecte-archéologue
Donc le tube il vient comme ça. Il faut maintenant ajuster la fixation à la bonne hauteur, là je suis calé, on le remonte un chouillat pour limiter le jour,
j’ai deux outils qui sont introduits ici, et qui vont contrôler la sortie des sorts.


Les gens venaient avec une plaquette, qu’on appelle un pinakion,

Liliane Rabatel
Le texte d’Aristote dit que les pinakia étaient en bois, et plus précisément en buys, un bois très dur certainement parce qu’ils étaient utilisés avec de la pierre et pour ne pas être trop abîmés, on utilisait un bois relativement dense.
En fait tous les citoyens qui appartenaient à une catégorie A, en arrivant, déposaient leur plaquette dans une boîte et ensuite c’est mélangé et puis il y a un préposé qui va insérer ces tablettes dans une colonne. La colonne des alpha, des beta…
C’est un objet qui est vraiment emblématique de la démocratie.


Sur chacun de ces pinachia est inscrit le nom d’un citoyen.
Dans cet exemple, 85 citoyens vont participer à ce tirage au sort - soit 17 rangs, de 5 citoyens.

si l’on veut tirer 15 citoyens au sort, il faut donc isoler trois rangées de cinq personnes.

Donc il faut 3 cubes blancs, et combien de noirs ? 14.
3 cubes blancs pour 3 rangs sélectionnés. 14 cubes noirs, pour 14 rangs écartés du tirage.


Nicolas Bresch
Voilà, on va tirer les sorts au fur et à mesure. Donc j’actionne le dispositif…

Liliane Rabatel
Le dispositif qui consiste, en enlevant alternativement l’une des chevilles à isoler un seul cube.

Lorsqu’un cube blanc est tiré, les 5 pinakia du rang sont placé dans le tas des citoyens désignés pour un rôle politique. Et inversement, les citoyens d’un rang qui reçoit un cube noir partiront sans surcharge de travail !
Le tirage se fait rang après rang, jusqu’à ce que les 15 citoyens sur 85 ont bien été désignés pour remplir ces postes publiques.


Nicolas Bresch
Par contre ce qui est important, c’est que c’est exposé. C’est fait pour que ça soit vu. Des espaces qui sont ouverts, couverts pour être à l’abri de la pluie, du soleil, et c’est garanti que les gens sont là vraiment par hasard. Ils sont vraiment mélangés

Liliane Rabatel
Donc il y a aussi cette idée qui participe au fonctionnement de la démocratie qui veut que chaque citoyen ait une chance égale de participation à la vie publique.

Ce klérotèriôn permet donc de concrétiser l’interprétation faite des vestiges et textes anciens. Cet objet, destiné à circuler parmi le public ouvrira également des réflexions portant sur l’Histoire, les nouvelles technologies… et les différentes façons d'organiser la vie publique !
 

La machine qui tirait au sort les citoyens d’Athènes

18.05.2017

Dans les cités grecques de l’Antiquité, les citoyens devant effectuer certaines tâches publiques étaient tirés au sort. Des chercheurs ont créé, pour la première fois, une reconstitution en pierre d’un klèrôtèrion, l’étonnante machine qui permettait de faire ce choix aléatoire. Présenté au salon des Innovatives SHS les 17 et 18 mai 2017 à Marseille, le dispositif est détaillé dans cette vidéo figurant au top 10 des contenus les plus lus sur notre site cette année.

À propos de cette vidéo
Titre original :
Le tirage au sort démoctique
Année de production :
2017
Durée :
7 min 02
Réalisateur :
Patrice Masini
Producteur :
CNRS Images
Intervenant(s) :
Liliane Rabatel
Nicolas Bresch
Institut de Recherche sur l'Architecture Antique
CNRS / Aix-Marseille Université
Université Lumière Lyon 2 / Université de Pau et des Pays de l'Adour
 
Pierre Gaurier
Société SNBR
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