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Le réchauffement climatique en France s’annonce pire que prévu
Temps de lecture : 8 minutesL’optimisme climatique n’est pas de mise ces jours-ci. Le réchauffement climatique au cours du XXIe siècle en France pourrait être 50 % plus intense que ce que l’on pensait. C’est le résultat de nouvelles projections sur le climat futur qui viennent d’être réalisées par une équipe du CNRS, de Météo France et du Centre européen de recherche et de formation avancée en calcul scientifique1. Si les tendances actuelles d’émissions de carbone se maintiennent, la température moyenne de l’Hexagone sera 3,8 °C supérieure à celle du début du XXe siècle. Un chiffre qui pose d’immenses défis d’adaptation et qui promet des changements sévères dans l’agriculture et les écosystèmes français.
Pour arriver à ce résultat, le plus robuste dont nous disposons à ce jour, les chercheurs ont employé une méthodologie nouvelle. Développée par cette même équipe, elle a été utilisée par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) dans le premier volet de son sixième rapport, paru en 2021. L’innovation principale est l’utilisation de données climatiques observées pour contraindre les modèles. En d’autres termes, à partir d’un éventail de simulations climatiques réalisées grâce aux modèles utilisés par le Giec, les chercheurs identifient celles qui sont en accord avec les mesures de température récoltées depuis plus d’un siècle. Ainsi, les chercheurs peuvent identifier les projections les plus robustes sur l’avenir du climat, et réduire les incertitudes.
L’autre originalité de ces travaux, publiés le 4 octobre dans la revue Earth Systems Dynamics, est qu’ils offrent des projections à l’échelle française. « Le Giec propose des scénarios de réchauffement climatique au niveau planétaire et au niveau de grandes régions comme l’Europe ou le bassin méditerranéen. Mais il ne va pas en-dessous. Or il existe un appétit pour des projections à des échelles plus réduites », explique Aurélien Ribes, chercheur au Centre national de la recherche météorologique2 (CNRM). En effet, les grandes décisions politiques se prennent pour l’essentiel au niveau national. Il était donc urgent d’utiliser cette nouvelle méthodologie pour obtenir des scénarios de réchauffement climatique à l’échelle de l’Hexagone. Pour cela, les chercheurs ont utilisé les données récoltées par une trentaine de stations météorologiques réparties sur toute la France. Ces stations sont connues pour avoir enregistré les températures de façon homogène sur de longues périodes. Ainsi, les premières mesures de température fiables dont disposent les chercheurs datent de 1899.
Grâce à ces données, l’équipe a calculé le réchauffement climatique actuel. Ils ont montré que la température moyenne de la France actuelle est 1,7 °C supérieure à celle de la France entre 1900 et 1930. Ce chiffre est bien au-dessus de la hausse moyenne de températures à l’échelle globale, que le Giec évalue à 1,2 °C. Mais pour les chercheurs, il n’y a rien d’anormal là-dessus. « La hausse globale des températures prend en compte les océans qui se réchauffent moins vite que les continents », explique Aurélien Ribes. La hausse moyenne des températures continentales dans le monde étant de 1,6 °C, la France ne fait donc pas figure d’exception.
Sans surprise, les modèles climatiques montrent que la hausse future des températures est directement proportionnelle aux émissions de gaz à effet de serre. N’en déplaise aux négationnistes du climat, l’origine humaine du changement climatique français ne fait aucun doute. Une chose, en revanche, a surpris les chercheurs : l’impact des aérosols. « On n’imaginait pas qu’ils avaient une telle incidence sur le climat français », affirme Julien Boé, de l’unité Climat, Environnement, Couplages et Incertitudes3. « On observe que, jusque dans les années 1980, l’effet des aérosols a masqué le réchauffement climatique, au point qu’il n’apparaît quasiment pas dans les instruments. »
Les aérosols sont les particules en suspension dans l’atmosphère. Les activités humaines polluantes en rejettent de grandes quantités, notamment lors de la combustion des carburants fossiles. Cette pollution a un puissant effet refroidissant. En effet, les particules empêchent les rayons du soleil d’atteindre la surface. Or, jusque dans les années 1980, pollution et gaz à effet de serre grimpaient de concert. Leurs effets respectifs sur le climat s’annulaient mutuellement. Puis, à la fin du XXe siècle, les nouvelles régulations et les technologies plus propres ont réduit de façon spectaculaire la pollution. Résultat, l’effet des aérosols sur le climat a chuté et la courbe des températures s’est emballée vers le haut à une vitesse qui a surpris les chercheurs.
L’insoutenable été 2100
Dans un deuxième temps, les chercheurs se sont projetés vers l’avenir afin d’anticiper le climat français à la fin du XXIe siècle. Ils ont pour cela utilisé les simulations climatiques en fonction de différents scénarios décrivant l’état du monde en 2100. Ces scénarios construits par le Giec vont du plus optimiste – un monde dans lequel un immense effort international a permis d’atteindre la neutralité carbone dès 2050 – au plus pessimiste – un monde divisé par de fortes inégalités et qui continue à carburer au gaz, pétrole et charbon. Entre ces deux extrêmes improbables, un scénario intermédiaire dans lequel les émissions de carbone n’augmentent ni ne diminuent drastiquement. D’après les experts, c’est ce scénario mitigé qui est le plus en accord avec les tendances actuelles et les engagements climatiques pris par les grands pays émetteurs pour les prochaines années.
Sur la base de ce dernier scénario, les chercheurs ont montré que la France de 2100 pourrait être 3,8 °C plus chaude que celle du début du XXe siècle. Une augmentation qui fait frémir. Une telle hausse des températures serait particulièrement marquée en été. En effet, les étés pourraient être en moyenne 5 °C plus chauds par rapport aux décennies 1900-1930. « Ceci aura des impacts très forts sur les écosystèmes et les cultures. On aura des pics de chaleur beaucoup plus fréquents et chauds, et des sécheresses plus intenses et prolongées. Dans ces conditions, l’un de points clés sera comment maintenir les ressources en eau et comment les utiliser », annonce Julien Boé. À 3,8 °C de hausse de températures moyennes, des écosystèmes entiers pourraient disparaître, et le paysage agricole en sera drastiquement modifié.
Ces projections, véritable avertissement, devraient servir à mettre en place des politiques d’atténuation et d’adaptation. À présent, les chercheurs du CNRM veulent descendre encore les échelles et simuler l’avenir climatique des régions françaises. Par ailleurs, ils espèrent que d’autres équipes à travers le monde adopteront leur méthodologie. « Le code à la base de ces travaux est à la disposition de tout le monde. Il permettra à d’autres équipes ou d’autres services météorologiques de refaire ces calculs facilement pour leur pays ou leur région », annonce Aurélien Ribes. ♦
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