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Écoutez le Paris du XVIIIe siècle

Dossier
Paru le 06.09.2024
Le tour du patrimoine en 80 recherches

Écoutez le Paris du XVIIIe siècle

16.06.2015, par
Temps de lecture : 4 minutes
Projet Bretez
La vidéo réalisée dans le cadre du projet Bretez couvre la zone comprise entre le pont au Change, situé face à l’actuelle place du Châtelet, et le pont Notre-Dame... Soit 70 tableaux sonores différents.
La musicologue Mylène Pardoen a reconstitué l’ambiance sonore du quartier du Grand Châtelet à Paris, au XVIIIe siècle. Présenté au salon de la valorisation en sciences humaines et sociales, à la Cité des sciences et de l’industrie, son projet associe historiens et spécialistes de la 3D.

Paris comme vous ne l’avez jamais entendu ! C’est l’expérience que propose la musicologue Mylène Pardoen, du laboratoire Passages XX-XXI, à travers le projet Bretez. Un nom qui n’a pas été choisi par hasard : la première reconstitution historique sonore conçue par ce collectif associant historiens, sociologues et spécialistes de la 3D1, a en effet pour décor le Paris du XVIIIe siècle cartographié par le célèbre plan Turgot-Bretez de 1739 – Turgot, prévost des marchands de Paris, en étant le commanditaire, et Bretez, l’ingénieur chargé du relevé des rues et immeubles de la capitale.

70 tableaux sonores

C’est plus précisément dans le quartier du Grand Châtelet, entre le pont au Change et le pont Notre-Dame, que la vidéo de 8 minutes 30 transporte le visiteur. « J’ai choisi ce quartier car il concentre 80 % des ambiances sonores du Paris de l’époque, raconte Mylène Pardoen. Que ce soit à travers les activités qu’on y trouve – marchands, artisans, bateliers, lavandières des bords de Seine… –, ou par la diversité des acoustiques possibles, comme l’écho qui se fait entendre sous un pont ou un passage couvert… » S’il existe déjà des vidéos sonorisées, c’est la première fois qu’une reconstitution en 3D est bâtie autour de l’ambiance sonore : les hauteurs des bâtiments comme les matériaux dans lesquels ils sont construits, torchis ou pierre, tiennent compte des sons perçus – étouffés, amplifiés… – et inversement.

Le paysage sonore a été reconstitué à partir de documents d’époque, notamment Le Tableau de Paris, publié en 1781 par Louis-Sébastien Mercier, et des travaux d’historiens comme Arlette Farge, spécialiste du XVIIIe, Alain Corbin, connu pour ses recherches sur l’histoire des sens, ou encore Youri Carbonnier, spécialiste des maisons sur les ponts. Au cours de la visite, on entend tour à tour le caquètement des volatiles du marché aux volailles, le bourdonnement des mouches attirées par les étals du marché au poisson, le métier à tisser de la bonneterie située à la pointe du pont au Change, les grattoirs des tanneurs de la rue de la Pelleterie, le choc des caractères placés sur la casse de l’imprimerie de la rue de Gesvres…, et les cris incessants des mouettes, attirées par les nombreux déchets qu’elles trouvaient dans la capitale. Soit, au total, 70 tableaux sonores.

Valoriser le patrimoine

« Tous les sons sont naturels, précise Mylène Pardoen. Ceux des machines, par exemple, ont été captés sur d’authentiques engins anciens. » Seul le bruit de la pompe Notre-Dame – qui remontait l’eau de la Seine pour la consommation des Parisiens – a été reconstitué : la chercheuse a enregistré un moulin à eau à l’ancienne, puis a retravaillé le son en fonction de la taille (estimée) des aubes de la pompe Notre-Dame.
 

Tous les sons sont
naturels. Ceux
des machines,
par exemple, ont
été captés sur
d’authentiques
engins anciens.

Le projet présenté les 16 et 17 juin au salon Innovatives SHS, à la Cité des sciences, est avant tout destiné à séduire les musées historiques désireux de mettre en valeur le patrimoine de leur ville. Développé sur une plateforme de jeux vidéo afin d’intégrer facilement le son et le mouvement à la reconstitution en 3D, il se décline sur tous types de supports : bornes, tablettes… « C’est un projet de recherche qui va continuer à évoluer, indique Mylène Pardoen. On envisage d’y intégrer prochainement les machines aujourd’hui absentes de l’image et de permettre au “spectateur” de se balader en toute autonomie dans les rues du quartier. »

Notes
  • 1. Parmi lesquels le Centre interdisciplinaire de réalité virtuelle (Cireve), le groupe Évolution des procédés et des objets techniques (Epotec) et le Centre de recherches historiques-Laboratoire de démographie et d’histoire sociale (CNRS/EHESS).