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À la rescousse de nos ressources en eau

Dossier
Paru le 30.11.2023
Climat : le défi du siècle

À la rescousse de nos ressources en eau

29.04.2022, par
Mis à jour le 03.05.2022
Temps de lecture : 7 minutes
Les prélèvements de particules en suspension effectués dans la Save, un affluent de la Garonne, dans le cadre du projet PlastiGar, sont tamisés afin d’évaluer la pollution plastique du fleuve.
Restaurer nos océans, nos mers, nos fleuves et nos rivières d’ici à 2030 : c’est le but de la mission Starfish du programme Horizon Europe. Le point sur ces enjeux avec Agathe Euzen, directrice adjointe de l’Institut écologie et environnement du CNRS.

Vous pilotez la cellule « eau » du CNRS lancée en 2021. Quels sont les espoirs que soulève la mission Starfish du programme Horizon Europe ?
Agathe Euzen1. Dans un contexte de changement global où les pressions sur l’eau, les mers, les océans sont exacerbées et où les ressources en eau sont l’un des défis majeurs du XXIe siècle, la recherche, elle, se mobilise et doit se structurer. En 2015, les Nations unies ont défini 17 objectifs de développement durable (ODD) pour l’horizon 2030 dont certains sont liés à l’eau (ODD6), à l’océan (ODD14), mais qui sont tous en interaction. Starfish permet de les renforcer au niveau européen, au sein du nouveau programme Horizon Europe. L’ambition est de construire une vision locale, nationale et internationale autour de l’eau, mais aussi de sensibiliser le grand public à la préservation et à la régénération des océans, des mers ainsi que des eaux côtières et continentales. De fait, il existe une « conscience de l’eau » et une reconnaissance des menaces qui pèsent sur les ressources en eau (pollutions chimique et plastique, surpêche et surexploitation, effets du changement climatique…). 

Bouée délimitant la zone de protection intégrale au sein de l'aire marine protégée de Porto Fino, en Italie. Une étude a montré que 95 % de la surface des aires marines protégées de la mer Méditerranée sont dépourvus de réglementations suffisantes pour réduire les impacts humains sur la biodiversité.
Bouée délimitant la zone de protection intégrale au sein de l'aire marine protégée de Porto Fino, en Italie. Une étude a montré que 95 % de la surface des aires marines protégées de la mer Méditerranée sont dépourvus de réglementations suffisantes pour réduire les impacts humains sur la biodiversité.

Cinq objectifs sont affichés pour 2030 : atteindre le zéro pollution ; améliorer la gouvernance de l’eau ; régénérer les écosystèmes marins et aquatiques du continent ; décarboner notre océan, nos mers et nos eaux et enrichir les connaissances. Où en est-on ?
A. E. À la fois ressource et milieu, l’eau est un élément vital pour la régulation du climat, pour le fonctionnement des écosystèmes et pour le développement humain. Pour le climat par exemple, le rôle des mers et des océans est fondamental : ils constituent une pompe biologique qui absorbe 25 % du CO2 émis chaque année par les activités humaines dans l’atmosphère.

Les mers et les océans constituent une pompe biologique qui absorbe 25 % du CO2 émis chaque année par les activités humaines dans l’atmosphère.

Autre exemple, les zones humides, dont 85 % ont disparu depuis 1995, forment des espaces tampon qui régulent et protègent les ressources en eau, lors de sècheresse par exemple. Mais la dégradation de ces milieux, liée à la fois au dérèglement climatique et aux pressions anthropiques, expose aujourd’hui les populations à des risques grandissants comme les inondations, les pluies extrêmes et les canicules. La France n’est pas épargnée.

Aujourd’hui plus que jamais se pose la question de la disponibilité et de la gestion durable, efficace et équitable de l’eau afin de protéger, préserver et partager cette ressource répartie de façon inégale dans les territoires. D’où la nécessité. d’anticiper et de réhabiliter le continuum terre-mer : l’océan souffre des activités qui sont menées en son sein, mais également des activités qui arrivent jusqu’à l’océan. Nous avons besoin de renforcer les connaissances sur ces thématiques transversales. Le CNRS est par ailleurs largement engagé dans ces grands défis avec le programme et équipement prioritaire de recherche (PEPR) exploratoire OneWater, Eau bien commun, lancé en mars dernier2.
 
Le programme Horizon Europe met en avant l’importance de la lutte contre les pollutions, plastiques comme chimiques. Comment faire pour les éliminer d’ici à 2030 ?
A. E. Chaque année, faute d’une mauvaise gestion de nos déchets, on estime que 10 millions de tonnes de plastiques sont déversées en mer, 80 % d’entre elles provenant de la terre, via les fleuves essentiellement. Dans l’imaginaire populaire, on se représente un continent de plastique mais ce sont en fait des micro-plastiques, presque invisibles à l’œil nu, qui ont envahi et continuent d’envahir les océans : ils comptent pour plus de 90 % des morceaux de plastiques flottant à la surface de nos océans. Sur ce point, la recherche a un rôle à jouer, en développant des matériaux biodégradables pouvant se substituer au plastique par exemple. Mais cela doit aussi s’accompagner d’une législation européenne forte, au-delà de l’interdiction des plastiques à usage unique. Le problème des pollutions chimiques des eaux, liées aux activités industrielles et agricoles, est lui encore peu médiatisé.

Déchets plastiques sur la plage des Rouleaux dans la baie Sainte-Marie en Guadeloupe. La baie Sainte-Marie est exposée au gyre de l'océan Atlantique Nord, un vaste ensemble de courants océaniques accumulant d'immenses quantités de plastiques.
Déchets plastiques sur la plage des Rouleaux dans la baie Sainte-Marie en Guadeloupe. La baie Sainte-Marie est exposée au gyre de l'océan Atlantique Nord, un vaste ensemble de courants océaniques accumulant d'immenses quantités de plastiques.

Mais on produit tout le temps des molécules actives qui, comme les plastiques, viennent altérer tous les écosystèmes et sont susceptibles d’avoir aussi des impacts sur la santé humaine. L’octocrylène, par exemple, a connu ces dernières années une certaine visibilité. Ce composant, utilisé dans de nombreux filtres solaires et cosmétiques à travers le monde, est une menace pour le milieu marin. Les pesticides chimiques eux, largement employés par l’agriculture, se concentrent dans les eaux continentales, rivières ou nappes phréatiques, qui les transportent. Pour relever ce défi de la contamination des eaux, la recherche doit s’intéresser à toute la filière pour réduire et limiter en amont les impacts de ces pollutions dans les milieux et pour développer des systèmes de surveillance visant à préserver les écosystèmes dont nous dépendons.
 
Selon le second volet du dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), à l’échelle mondiale, seuls 21 % des eaux douces et 8 % des océans sont protégés ; 10 % de la zone maritime de l’Union européenne est strictement protégée. Comment aller plus loin ?
A. E. Il existe un arsenal de solutions, qui reposent notamment sur la nature. Pour que les écosystèmes puissent se régénérer, cela nécessite de les préserver par des systèmes de gestion adaptés, respectueux et raisonnés pouvant aller jusqu’à la mise en place d’aires protégées. Il faut envisager des solutions les mieux adaptées aux différents contextes et usages, en France comme dans d’autres régions européennes. D’abord, en limitant les pollutions à la source et en révisant nos usages et nos pratiques, concernant l’alimentation par exemple. Ces objectifs sont fixés pour 2030 mais on sait que changer prend du temps et nécessite la mobilisation d’un grand nombre d’acteurs – citoyens, chercheurs, industriels, décideurs politiques. Starfish est un fort levier d’action. Toutefois, nous n’avons plus le temps d’attendre. Nous devons renforcer les recherches pour mieux comprendre les dynamiques des socio-écosystèmes et des hydrosystèmes, c’est-à-dire la totalité des eaux de la planète, les océans, les mers, les lacs, les cours d’eau, les eaux souterraines et les glaces. Et co-construire avec l’ensemble des acteurs des solutions adaptées aux territoires, les plus viables, équitables et soutenables possible. ♦

Pour en savoir plus
Le site consacré aux 5 Missions de l'Union européenne
Le site des Nations unies pour les 17 objectifs de développement durable
 

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Notes
  • 1. Laboratoire techniques, territoires et sociétés (CNRS/École nationale des ponts et chaussées/Université Gustave-Eiffel).
  • 2. Projet copiloté par le CNRS, le BRGM et Inrae (2022-2031).